L’oeuf ou la poule… La poule ou l’oeuf…
Cette veille de 12 Octobre 2016 me propulse, malgré moi, 365 jours avant…Je me revois assise en face de Papa, un verre à la main, l’estomac et la gorge noués, silencieuse. Je suis envahie, j’étouffe, j’hurle au fond de moi et pourtant je reste muette. Je ne comprends pas ce qu’il se passe, ce qu’il va se passer, ce qu’il s’est passé. Mathilde est couchée, une dure journée l’attend, comme nous tous. Je viens de finir d’écrire les textes que ma Marraine lira demain. Un nouvel accouchement douloureux, mettre en mots l’inexplicable et pourtant, malgré la souffrance, je me dois de le faire, pour toi. Je veux que la terre entière entende ce dernier hommage et qu’il te parvienne. Ces mots tournent en boucle, sonnant faux, irréels…
Lucas, la seule chose que nous souhaitons c’est ton repos. Et aujourd’hui, par amour, par respect pour ton combat, nous te murmurons ces paroles douloureuses à prononcer, celles que nous n’aurions jamais cru pouvoir parvenir à te dire un jour : «Il te faut partir, il te faut lâcher notre main». Pour toujours, tu seras dans nos cœurs. Nous sommes toi, tu es nous. Ce que nous étions les uns pour les autres, nous le sommes toujours. Nous te promettons de continuer à rire de ce qui nous faisait rire ensemble, à sourire, à pleurer, à crier, à combattre… La vie signifie tout ce qu’elle a toujours signifié. Elle est ce qu’elle a toujours été. Tu n’es pas loin, tu es partout. Nous t’aimons.

Je suis épuisée, vidée de toi, je dois fermer les yeux. Et peut-être que demain, quand je me réveillerai, tu seras là et le cauchemar sera terminé…

Loupé ! Un an après, la réalité prend forme, petit à petit, grignotant chaque jour l’espoir de pouvoir te voir, te toucher, de sentir à nouveau… Tu es parti, pour toujours.

ON-OOOOFFFFFFF ! Oouuufffff, je dois partir de la maison pour rejoindre Véro et Cécile qui m’attendent au Théâtre. Ce spectacle tombe peut-être pas si mal que cela. Gagné ! L’ovni culturel « Pourquoi les poules préfèrent être élevées en batterie ? » auquel nous assistons, réussit à me tirer de mon état de torpeur et plus encore, à me faire rire. Il m’éclaire aussi sur le paradoxe de l’œuf et de la poule en mettant simplement en mots deux théories complexes. La créationniste (et ? créa la poule qui pondit son oeuf d’où sortit le poussin qui devient la deuxième poule) et l’évolutionniste (avec une proto-poule, pas tout-à-fait poule qui accoucha d’un oeuf qui donna le poussin qui devient la véritable première poule)… Ok, stop, ce n’est pas le débat !

Dans notre histoire, ce qui est sûr c’est qu’au commencement, il y a toi, Lucas et après, il y a eu cette saleté de Crabus Ewingus…

Toi, je crois que c’est ta marraine qui en a parlé le mieux. Je lui emprunte ces quelques mots qu’elle t’a offerts lors de cette cérémonie irréelle du 12 octobre 2015. J’y ajoute quelques annotations pour que tout le monde comprenne et voici !

Pourquoi es-tu passé par là déjà ?

Ah oui, une histoire de chaussures Fenouil (nom de famille de ta mamie Rosine) et de Feuillardiers (un des métiers de ton arrière grand-père maternel. A vos dictionnaires toute pour ceux qui ne savent pas ce que cela peut être) ! Dans la famille Chaussures Fenouil donnez-moi le fils (Papa), et dans la famille Feuillardiers donnez-moi la fille (Maman)… Mélangez et obtenez Lulu… Ou plutôt déjà un petit roi du monde… En tout cas de ton monde, le nôtre, le mien.

A peine avais-tu pointé ton petit nez que des tas de fées plus toutes jeunes et de mages dans le même état (ta marraine, ton parrain, tes multiples tatas et tontons de cœur…) se sont pressés autour de ton berceau. A la maternité, tes parents oscillaient entre béatitude et hébétement. Assis sur le lit, ils regardaient le bocal transparent qui te servait de petit berceau comme on regarde un film… Hypnotisés qu’ils étaient… Impossible de leur faire tourner la tête.

Déjà tu dormais sur le dos tel que le recommande l’académie de médecine… Pour le moment en tout cas… Ce qui te valut le surnom de « la pizza » rapport à ta tête plate sur tout l’arrière.

Pizza certes mais royale… Un petit Sumo avec une grande bouche comme chez les feuillardiers et un sourire version banane jusqu’aux oreilles. L’ensemble de ta parentelle, des fées, des mages n’avaient d’yeux que pour toi, attentifs à ton bonheur et concentrés sur ta totote Chat que tu toutouillais assidûment mais faisait tomber régulièrement…

Tu étais le premier bébé de notre petit monde… Une sorte de petit prophète, alors mille et une précautions t’entouraient et contrairement à ceux qui t’ont suivi, tu as toujours eu dans la bouche une totote nettoyée et quasi stérilisée après chaque chute.

Aucun microbe n’osait t’approcher tant ta cour armée jusqu’aux dents montait la garde.

Quand parfois un assaillant échappait à notre vigilance et qu’une loche verdâtre pendouillait au bout de ton joli petit nez, tu étais immédiatement double traité par le docteur le plus proche et les granules magiques de la famille Feuillardiers (référence à ta mamie Ginette et à l’homéopathie qu’elle dispense plus vite que son ombre). Quand un jour tu convulsas, je crois que tous les journaux faillirent en parler tant l’affaire fit grand bruit…. Un héritage malheureux des Chaussures Fenouil nous révéla l’enquête interne…Papa était du genre à convulser aussi !

Bref, pendant 12 ans et demi, tu fus notre roi soleil, régnant avec bienveillance sur tous les gnomes que nous t’avons collés entre les pattes par la suite. Tu éclairais nos vies par ton sourire, ta douceur et ton extrême sensibilité. Toi seul voyais immédiatement un passage chez le coiffeur : « tu as changé de coiffe Marraine ? »… Mon adorable petit chat d’amour.
Ta Reine – 12 octobre 2015

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