A toi Lucas

Est-il nécessaire de vous présenter Lucas ?

Si la question peut se poser, pour nous, la réponse est non. Nous pensons que, par pudeur et discrétion, il n’aimerait pas que l’on expose au grand jour sa vie ordinaire d’enfant puis d’adolescent, avec ses joies, ses peines, ses colères, ses secrets… Des tranches de vie si importantes à nos yeux qu’il est difficile de les partager. Cependant, pour mieux comprendre notre association, nous avons choisi de vous raconter sa dernière période de vie.

Sa maladie : le Sarcome d’Ewing, une tumeur osseuse agressive à fort potentiel métastatique.

Mars 2014, des douleurs vont et viennent dans son mollet gauche. Nous les mettons sur le compte du rugby, de sa croissance ou même encore d’une feinte pour se soustraire à ses obligations scolaires … Une radio mal interprétée nous rassure en annonçant une fracture du péroné en cours de consolidation.

Cependant, la souffrance augmente et de fil en aiguille, nous nous retrouvons dans le bureau d’une oncologue de l’Institut Curie. Le 23 mai 2014, le couperet tombe, net, précis, violent : Lucas a un sarcome d’Ewing, une tumeur osseuse maligne à fort potentiel métastatique qui s’est logée sur son péroné gauche. En quelques mots effrayants et dévastateurs : un cancer des os. Cancer rarissime qui touche principalement les garçons adolescents. Une incidence annuelle estimée à 3 cas pour un million d’enfants de moins de 15 ans. Dans la vie, on a presque plus de chances de gagner au loto que de croiser cette tumeur !

Ewing et son univers impitoyable

Lucas a alors 12 ans et demi et, le voilà, enfin nous voilà donc tous confrontés à Ewing et son univers impitoyable : examens d’extension qui montrent qu’apparemment la tumeur n’a pas répandu son venin ailleurs, pose d’une chambre implantable, chimiothérapies d’attaque lourdes et leurs désagréments, chute intégrale des cheveux, aplasies, transfusions, hospitalisations, exit la vie collégienne et mise en place de l’école à la maison…

Une première partie de traitement, violente, irréelle, qui nous conduit au 17 octobre 2014, jour où l’on va extraire de son corps cette tumeur. L’opération se déroule bien, la chirurgienne enlève un bout de péroné mais par chance, nous pouvons vivre sans, Lucas n’a donc pas besoin de prothèse, juste de la rééducation.

En novembre 2014, un nouveau cycle de chimiothérapies commence. Il ne faut pas perdre de temps, surtout que l’analyse de la tumeur montre qu’elle est résistante : 20 % des cellules cancéreuses sont encore vivantes malgré la première cure pré-opératoire. C’est trop, l’oncologue ajoute alors un cycle de 30 séances de radiothérapie, pour mettre toutes les chances de son côté. Il faut éradiquer les survivantes !

Février 2015, Lucas ressent des douleurs au cou. Pas d’affolement, cela doit être musculaire (on soupçonne un vilain torticolis) ou structurel suite à l’ablation de son bout de péroné.

Avril 2015, dernière chimiothérapie après un an de traitement. La fin du cauchemar est proche. Lucas passe le TEP scan qui doit signer sa sortie de protocole.

Une bataille sans merci

21 avril 2015, l’oncologue nous annonce que cet examen révèle la formation de métastases osseuses sur différents points de son squelette. La maladie a évolué, on ne peut parler de rechute car Lucas n’a pas eu le temps d’être en rémission. Un nouveau protocole est mis en place, rebelote : chimiothérapies couplées à un cycle de radiothérapie au niveau des vertèbres cervicales sur lesquelles la lésion est importante. Les médecins ne nous cachent pas la gravité de la situation, le pronostic s’assombrit.

En juillet 2015, encouragés par le staff médical, aidé par notre ami Fred, nous partons une semaine en vacances à Noirmoutier. Notre dernier moment de répit en famille. A notre retour, tout va aller très vite. Son cancer galope et prend une avance irréversible sur la médecine. Les traitements ne freinent pas cette progression. La seule chose à faire est de tenter de réduire les insoutenables douleurs qui envahissent son corps et de respecter sa volonté en organisant la maison pour une hospitalisation à domicile.

Lucas va se battre jusqu’au bout, même si la maladie l’affecte de plus en plus et finit par lui faire perdre son sourire et son regard pétillants. Le 4 octobre, il rentre à l’hôpital de Corbeil, des métastases pulmonaires provoquent une insuffisance respiratoire ingérable à la maison. Lentement, Lucas va s’endormir, un peu plus chaque heure. Nous l’accompagnerons ainsi jusqu’à son ultime soupir, le 5 octobre 2015 en soirée.

Le message qu’il laisse

Lucas a toujours affronté la maladie dans un espoir de guérison, même dans ses derniers jours. Sa conviction, sa pugnacité, sa volonté sans faille, son rire ont été ses meilleures armes et les nôtres. Malgré son âge, il nous a montré à quel point il est essentiel de ne jamais renoncer. Lucas venait de fêter ses 14 ans lorsqu’il nous a tiré sa révérence.

Florence et Laurent Schamberger

Le pourquoi

Février 2016, naissance officielle de Lulu & Les P’tites Bouilles de Lune

Pourquoi cette association ? Certainement pour donner du sens à l’insensé mais aussi transmettre le message de vie de Lucas et poursuivre, à notre manière, avec nos moyens, le combat qu’il a mené contre cette maladie.

Notre entourage nous soutient. Même plus que cela, il nous pousse, nous porte dans cette initiative, nous entoure. Le bureau s’organise. Onze de nos amis proches s’engagent et constituent le conseil d’administration. Nous sommes soudés comme nous l’avons été avant, pendant et après cette affreuse maladie. Une véritable force que nous avons pu éprouver durant la terrible épreuve que nous avons vécue.

« Même pas peur car nous sommes unis, ensemble, nous oserons, nous pourrons continuer à nous battre, pour Lui, pour Eux »

Parce que le cancer de l’enfant, c’est chaque année…

  • 1 enfant de moins de 15 ans sur 440 est touché,
  • 1700 enfants de moins de 15 ans et 700 adolescents de 15 à 18 ans déclarent cette maladie,
  • 8 enfants sur 10 guérissent, 2 enfants en décèdent. 2 de trop !
  • C’est ainsi la 1ère cause de décès par maladie chez les enfants de moins de 15 ans (après les accidents domestiques).Sources : Ligue contre le cancer, InstitutCurie

Ces chiffres qui sont en progression de 1 à 3% chaque année depuis 30 ans varient d’un cancer pédiatrique à l’autre. Pour le sarcome d’Ewing, tumeur osseuse maligne, on retrouve deux à trois cas par million d’enfants âgés de moins de 15 ans, soit une centaine de cas chaque année. Comme avait dit Lucas, il aurait mieux valu jouer au Loto ! La lecture des taux de survie de ce cancer rare est difficile pour nos yeux néophytes, tant il y a de facteurs ayant une incidence. En tous cas, Lucas fait partie des enfants de trop, ayant eu la forme très agressive de ce sarcome.  C’est pour cela qu’il nous est essentiel de se mobiliser pour soutenir la recherche d’autant plus que nous savons que, d’un ordre général, moins de 2% des fonds dédiés à la recherche sont alloués aux cancers pédiatriques. Pourcentage Inacceptable, on n’ose penser à celui dérisoire affecté au sarcome d’Ewing, cancer rare  !

Et, parallèlement à ces chiffres, il y a la maladie et le cataclysme qu’elle provoque. Nous avons pu constater que trop souvent le cancer isole. Lucas et nous-mêmes, avons eu cette chance inouïe d’être entourés. Un véritable écrin de bienveillance, de soutien s’est formé autour de nous. Cela a rendu l’insoutenable simplement soutenable et a permis à Lucas de maintenir une forme de « normalité » dans sa vie d’adolescent qui n’allait plus au collège.

Aujourd’hui, durant la maladie, trop d’enfants n’ont plus leur vie d’enfant. De nombreux parents se retrouvent dans des situations financières et sociales précaires. Certaines familles sont déracinées et perdent leurs repères. La fatigue, le découragement, l’incompréhension, la tristesse, la colère (et nous en passons tant la palette émotionnelle est large) rendent ce quotidien encore plus lourd qu’il ne l’est.  Ainsi, la maladie produit une onde de chocs aux multiples incidences dont l’isolement. Il est ainsi primordial pour nous de leur apporter un soutien notamment moral qui peut tout changer.
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