Le 13 et 14 mai 2014. Deux jours gravés à jamais. Quel corps, quel esprit ne se rappelle pas de cet appel ou de ce message reçu, brutalement, annonçant l’insensé ? De ce qu’il a provoqué. L’émotion, la sidération, l’incompréhension, la crainte, la peur et surtout cette fracture béante dans notre monde qui tournait presque si rond. Tu as une tumeur maligne, c’est sans équivoque, selon les premières analyses de la biopsie. Marraine était là, témoin devant l’éternel.

B comme Biopsie
Heu… Non ! B comme Bioman, ou Barbapapa. Impossible. Non pas Biopsie.

Aucune raison ! Tu as juste un peu mal à la jambe, inutile de sortir la grande artillerie… Ou alors oui, mais pas ça ! Un bon gros plâtre qu’on va gribouiller de partout, une belle atèle qui va devenir cradoque en moins de deux, une petite opération si vraiment il faut… Ok, je ne dis pas non, on te couvrira de cadeaux à la con et tu seras un héros…

Mais une Biopsie : Non. Pas ce mot. Pas lui. Son meilleur ami est trop proche… Ils sont tellement inséparables.

Tu pars pour l’hôpital avec maman, le cœur léger, confiant… Maman aussi. Vous allez régler ce petit problème, ça y est, vous avez pris les choses en main. Tout cela fait presque déjà partie du passé. Tu vas pouvoir reprendre le rugby, et puis d’ailleurs, c’est quand qu’on va à Londres ?

Mais quand même, biopsie… Je flippe. Je ne dis rien mais j’ai peur. Je raconte à mon père, au Doc-Docteur. J’explique tes petites douleurs, cette petite fracture et cette chose là… cette biopsie. Du mépris dans ma voix, sans doute un médecin zélé… Un angoissé de la vie qui ampute un bras pour une écharde sur le pouce. Le diagnostic est trop rapide, trop précis, tout simplement trop tout. Je tremble, incrédule. Non. Impossible. J’ai le vertige, au bord du précipice, … Non, il se trompe.

Je vous rejoins à l’hôpital. Vous êtes souriants, comme déjà presque vainqueurs. Tu es content, ta chambre est digne de ta majesté. Méga grande, maxi salle de bain, on joue, on tchatche, c’est léger. Tu pars en salle d’op’.
Avec maman on sort dehors. Il fait beau, on discute de choses et d’autres, elle est à mille lieues, j’ai peur. J’essaye d’évoquer des choses, mais sans trop non plus. A quoi bon faire naître l’inquiétude par cette belle journée… mais j’ai peur, elle va tomber du placard, elle ne s’imagine tellement pas le pire.

Je reste, j’attends avec maman ton réveil, le verdict, je ne veux pas la laisser seule, je ne peux pas, le danger est trop grand. On nous appelle enfin… ou pas. Tu es dans le gaz… pas bien, tu as mal, soif, envie de vomir ! C’est pas l’éclate… mais il faut que l’on soient fortes, très fortes…C’était bien ça bordel !
Mais pourquoi ? Pourquoi toi ? Tu es un enfant, tu es notre lulu.
Non. Impossible.
Dans un couloir glauque d’hôpital, le couperet est tombé, sec, violent, des cellules rondes… ou je ne sais plus… le mot sarcome, et l’autre mot, celui qui n’est pas prononcé mais qui raisonne dans nos cranes, explose notre cervelle, dévaste nos cœurs…

Maman s’effondre, elle se recroqueville sur elle-même, sur son ventre, ta première maison. La douleur est inouïe, insoutenable. Notre monde vient de basculer pour toujours, la souffrance vient de s’y inviter à jamais, Ton combat vient de commencer ! Aux armes citoyens !

Ta marraine, 20 décembre 2016

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